20 heures

 

A l’époque, le « 20 heures » était sacré :

Pour les personnes en âge d’appréhender

Un peu, beaucoup, passionnément l’actualité,

C’était un grand moment de début de soirée,

Où l’on s’asseyait enfin sur le canapé,

Très attentif aux images de la télé.

De fait, après une fructueuse journée

De travail ou de diverses activités

De cuisine, de couture, de potager,

Ou de repos à la plage bien mérité,

On se posait pour connaître les nouveautés

De son pays, les nouvelles de l’étranger,

Et la météo pour un final en beauté !

Cette demi-heure d’info si appréciée

Était le seul média animé, programmé,

Pour être au courant et surtout bien informé.

Si on le loupait, pas moyen de rattraper …

… Ou si, en allant, aux voisins demander …

… Ou, en lisant l’info au petit-déjeuner …

Après tout … pas besoin d’instantanéité

Pour connaître et pour assimiler ces données,

Et encore moins pour pouvoir les étudier …

Le monde n’allait pas s’arrêter de tourner !

 

Maintenant, le « 20 heures », c’est aussi sacré :

Pour tous les gens qui savent, dans leurs mains frapper,

Capables de s’échapper de leur canapé,

Capables, de leurs écrans, se déconnecter,

Capables d’ouvrir leur fenêtre et s’aérer,

Capables de faire pause dans leur journée

Épuisante de confinement obligé !

De fait, coincé entre des murs et isolé,

On a beau télé-travailler ou s’occuper,

Il faut être expert diplômé pour empêcher

Toute mauvaise nouvelle de s’infiltrer …

Vingt heures sonnent donc un peu de liberté :

On se salue par un geste, tête penchée,

On se sourit avec les yeux presque mouillés,

On applaudit fort, déchaîné et sans compter !

On chante même à tue-tête « Resistiré »  …

On parle même de plans tapas pour l’après …

Ce sont de précieuses minutes épargnées,

Loin de l’information continue et chiffrée

Qui nous envahit, nous inonde sans arrêt,

Mais proche de nos voisins parfois oubliés

Qui vivent la même folle réalité. 

Dis, le monde va-t-il s’arrêter de tourner ?