Au revoir Picasso !

Eh bien voilà… après un long temps d’interrogations,

De nombreuses consultations et prospections,

(Cf détails dans l’historine J’achète une voiture)

J’ai pris la bonne décision, j’en suis sûre,

Celle d’acquérir une nouvelle compagne de route,

Plus petite, plus sécur’, plus écolo… sans doute !

 

Il faut donc que je laisse Picasso, mon camion,

Avec qui j’entretiens une étroite relation

Depuis plus de dix ans, un ami inséparable,

Avec qui j’ai vécu des moments mémorables,

Et des échanges loin d’être communs !

(Cf détails dans l’historine Picasso a le béguin)

 

Je me suis donc fait à l’idée de le laisser

Partir pour, une nouvelle vie, commencer,

Mais pas à n’importe quelles conditions !

Je veux lui trouver la parfaite maison,

Une nouvelle famille qui saura l’apprécier

Comme compagnon et membre entier !

 

Je demande d’abord au concessionnaire

Chez qui j’achète ma nouvelle partenaire,

Une rutilante et étincelante Stonic bicolore,

Blanche immaculée au niveau de la robe,

Et rouge flamboyant au niveau du top ! 

Je veux connaître son intérêt et son prix.

Il semble tout d’abord un peu surpris

De tous les détails que je lui fournis

Pour valoriser Picasso, une palette garnie

D’éloges : son espace volumineux garanti,

Son aménagement très pratique et assorti

À tous les besoins, sa capacité incontestée

À mettre à l’aise les personnes transportées

Son agréable intérieur lumineux et clair,

À peine abimé… Bref, il a tout pour plaire !

Le vendeur prend quelques photos ;

Il faut mieux le côté droite, plutôt,

Je lui précise : c’est son meilleur profil…

Bon, il m’envoie vite le devis, me dit-il.

À peine 24h plus tard, j’ai le verdict !

Impossible de négocier, il est strict.

Et les chiffres me font ma fête :

Il me le reprend des clopinettes !

 

Ce manque évident de considération, 

Je ne l’accepte pas ; sans hésitation,

Je vais essayer de par moi-même le vendre.

De suite, je liste les actions à entreprendre !

Première étape : le nettoyer dans son entièreté.

Picasso doit étinceler par sa netteté.

Décidée, je vais le mettre à son avantage !

Résultat : au bout de 3 heures de ménage,

Il n’a jamais été aussi beau ce vestige !

C’est dommage de le vendre, me dis-je !

Allez... il faut tourner la page... Bord-- !

 

Deuxième étape : trouver un studio naturel

Capable de bien le mettre en valeur,

Car l’obscurité du garage, sans lueur,

Ne fait nullement ressortir son charme !

Au bout de quelques kilomètres émane

Un petit coin de parking presque désert

Qui peut certainement faire l’affaire.

Il est entouré d’arbres et de verdures ;

Un joli fond sur les photos, ils procurent.

En plus il y a un superbe coucher du soleil !

Ses rayons bas et obliques font merveille

Et créent d’intenses reflets incroyables

Sur la tôle rutilante ; c’est formidable !

Il est vraiment beau sous cette exposition.

C’est presque bête, dis-je sous l’émotion,

De m’en séparer… Allez… ça suffit maintenant !

 

Troisième étape : rédiger l’annonce en prônant

Les exploits du véhicule et l’inscrire sur les sites

De ventes spécialisés, ou moins… J’hésite…

Sur tous, c’est la galère : il faut remplir

Une tonne de données. Il faut accomplir

Toutes les démarches, sans faillir !

Picasso a eu une vie, il faut le dire,

Bien remplie. Il en a fait du chemin 

Et il est encore, c’est sûr et certain,

Capable de continuer sur sa lancée.

Il en a encore dans son moteur racé !

J’avoue… Ça fait de la peine de le quitter…

Allez... Bougre... S’attacher, faut arrêter !

 

Par mon Picasso, les premiers intéressés

Ne mettent pas longtemps à se manifester.

Je savais bien qu’il plairait, ça me rassure !

C’est Alejandro qui veut visiter la voiture

Le premier. Il vient avec son mécanicien

Et ses clients, un couple de jeunes anciens.

Au cours des échanges que nous aurons,

J’apprendrai qu’en fait ses clients sont

Ses beaux-parents et que son mécano

Est son beau-frère ! Mais ce quatuor

Enchanteur se donne le temps de la réflexion

Car le prix dépasse un peu leur plafond…

Il faut les tenir informés, ils ne sont pas pressés…

Je suis un peu déçue ; on avait bien sympathisé !

 

Quand je vois arriver mon deuxième contact,

Je prends peur : c’est Roberto, à l’heure exacte,

Qui arrive avec, non pas un, deux, trois, quatre…

Mais cinq enfants, tous âgés entre six et huit ans…

Enfin, ils ont tous la même taille… c’est déroutant…

Tous la même fougue… Je sens Picasso craintif…

Et je comprends pourquoi : c’est carrément sportif !

Ma voiture se transforme en piste de jeux Mc Do ;

Ça rentre, se pousse, se bagarre : aïkido, judo…

Ça tombe, ça sort… Non, pas par les vitres, pitié !

Ça claque les portes, ça crie et pas qu’à moitié !

Ça se cache dans le coffre. Oh… malheur !

Pauvre Picasso, il en voit de toutes les couleurs ;-)

Ça ne dure pas longtemps ; Roberto, râleur,

Ne le trouve pas assez grand : excuse sans valeur

Comme il a sept places ! C’est presqu’une bicoque.

Mais je suis soulagée ; Picasso n’aurait pas tenu le choc !

 

Vient ensuite Mario, troisième visite,

Et je sens ici l’homme de technique.

Il se dirige vers le moteur de la voiture

Et l’examine sous toutes les coutures.

Il plonge, sans peur, ses mains expertes

Entre les tuyaux pour écarter toute alerte

Et s’assurer du bon état général de Picasso.

À la fin, il fait des remarques, modo grosso,

Sur l’ensemble un peu trop huileux à son goût.

Et je reconnais ne pas avoir passé beaucoup,

Euh… pas du tout même… l’éponge dans le moteur ;

Aurait-il fallu ? À peine ai-je, en mode penseur,

Le temps de me poser la question que, en mode Luigi,

Mario met ses doigts pleins de cambouis

Sur le siège passager ; je pousse des grands yeux :

Il vient de laisser un pâté noir et visqueux

Sur le tissu beige ! À peine ai-je le temps

De reprendre mes esprits que vite, il tend

Son autre main jusqu’au siège conducteur.

Là c’est plus fort que moi ; sans douceur

Je le lui fais remarquer son erreur !

Je suis vraiment de mauvaise humeur !

Ça ne l’affecte pas du tout,

Et il repart tranquiloubilou

Sans essayer de nettoyer !

Il veut à l’offre penser ! 

Qu’il parte définitivement, car c’est sûr,

Il n’a pas idée de la valeur de cette voiture !

 

Ensuite arrive Pedro qui m’a expliqué

Qu’il cherchait un engin plus étiré

Car sa femme et lui attendent un bébé.

Pas de problème : avec Picasso ce sera aisé.

Il pourra prendre toute la chambre du petit

À chaque déplacement, à chaque sortie !

Il fait le tour, normal, de tout le véhicule

Quand soudain, il sort un appareil minuscule

De sa poche, et se met à mesurer des… choses.

Très pédagogue, il m’indique, à chaque pause,

Que là, ça va, là aussi, mais que le régulateur

Est abîmé, le turbo est faible, le limiteur…

Oh... Oh… Oh… Je suis très perplexe…

Suffisamment pour aller, sans complexe,

Voir mon garagiste et lui demander

Qu’il vérifie tout ça ! J’veux pas truander !

Malgré tout, Pedro m’a laissé entendre

Qu’il était intéressé par ma chère et tendre !

Est-ce son truc pour négocier, parlementer ?

Dans le doute… je mets la vente en arrêt !

 

Picasso a 11 ans et presque 200 000 km.

Il en a parcouru des chemins sans émettre

La moindre réticence ; il en a vu du paysages

Sans jamais se plaindre… C’est presqu’un sage

Dans son domaine. Évidemment il a des rides

Et quelques blessures mais il reste solide,

Très opérationnel, assez pour me conduire

Tous les jours au boulot et pour m’enfuir,

Faire des extras le week-end ! Pas de soucis.

Cependant avant de signer, je veux l’avis précis

D’un expert ; je demande à mon garagiste

Un  check up complet ainsi qu’une liste

Des travaux à faire avec le coût indicatif.

Ainsi, le futur vendeur connaîtra tout

De Picasso : ses défauts et tous ses atouts !

 

Franchement, j’ai de plus en plus de doutes…

Et cette histoire avec Pedro en rajoute !

Je vais finir par la garder cette voiture,

Ou la laisser en abandon dans la nature…

Ou la mettre en décoration dans mon jardin…

Ou un cabanon à outils de luxe citadin…

Ou une cabane à frites sur le trottoir…

Pour Picasso, ce serait une belle fin d’histoire !